L'Outil de mes rêves
Les élèves de l’Upe2a du lycée Virginia Henderson d’Arnouville sont heureux de vous présenter leur projet « L’outil de mes rêves ». Oui, nous avons rêvé, nous avons rêvé notre futur métier à travers un outil que nous avons personnifié. Pour écrire nos poèmes avec l’aide de nos professeurs, nous nous sommes inspirés de « Fourchette » de Charles Simic et, afin que ces poèmes résonnent en nous et nous rappellent le chemin parcouru depuis notre arrivée en France, nous les avons traduits dans notre langue d’origine, puis nous les avons illustrés et sonorisés.
La note de lecture de Blandine Charrier
Trouvaille !
La classe UPE2A du Lycée Virginia Henderson propose une création collective hybride où se mélange le texte, l’image et le son. Elle assemble avec entrain la pensée et le faire, la mise en ordre d’un monde et sa fabrication, elle décrit un imaginaire plein de promesses tout en faisant référence à des détails très concrets du travail, par le son (le grésillement de la cuisinière, ou le décollage de l’avion par exemple) et l’objet lui-même, qui sert à exécuter les gestes professionnels au quotidien. Une réalisation très aboutie et très enthousiasmante.
La composition est minimaliste, recroquevillée en spirale. Un petit poème, quelques lignes qui commencent par « cette chose étrange », centrées sur un objet, « l’objet de mes rêves ». Puis la spirale se déploie, le poème se duplique, dans une autre langue, empruntant le plus souvent à d’autres alphabets, pour redoubler l’énigme qui est posée au lecteur. La réponse à la devinette est à suivre dans un autre medium, en image, en couleurs et en son. L’objet rêvé, l’accessoire indispensable à la pratique d’un métier, s’étale en grand format dans toute son évidence. La force poétique de cette réalisation collective tient à la simplicité de la construction de l’ensemble, une série de vignettes qui parlent et montrent le travail en se réduisant au pouvoir d’évocation d’un seul objet, et la richesse du jeu d’associations entre le métier rêvé, l’idée que l’on se fait du travail, son incarnation par un objet choisi et finalement sa description parfois déconcertante ou insolite qui permet de revenir au rêve.
Avec cette création hybride, les élèves allophones nous racontent une histoire, celle de leur parcours multiculturel, de leurs aspirations professionnelles et de cet objet de [leurs] rêves, qui, tel une baguette « qui a dû s’échapper d’une terre magique », leur permet de transformer le réel, par l’écriture, la cuisine, le soin, le dessin, le reportage, le voyage ou le calcul. Au gré du jeu de l’invention poétique, l’objet sorti « d’une usine enchantée » s’anime et devient « un serpent à deux têtes », « un monstre qui se développe », « une danseuse qui lève une jambe sans bouger », « un oiseau qui s’envole » ou encore « un magicien qui peint des histoires sur le papier blanc ».
Témoin et relais d’une transformation de l’adolescent·e en apprentissage à l’adulte maîtrisant des savoir-faire, l’objet « garde [les] mémoires » et, dans un mouvement prospectif, « à chaque trait, […] nous fait découvrir encore des mondes différents et des jours meilleurs ». Cette « valise en papier » est un bagage pour les longues distances, si précieux « quand on voyage aux longueurs variées // quand on visite de nouvelles idées ».
La note de lecture d'Olivier Crasset
Les élèves de l’UP2A du Lycée des métiers Virginia Henderson ont réalisé un recueil de poèmes à tiroir multimédias. Une énigme est posée dont la réponse se trouve en ligne sous la forme d’une image et entourée d’une ambiance sonore. Ce sont ainsi douze outils qui sont dévoilés par autant de devinettes.
Il en résulte à la fois une unité et une grande diversité.
Unité car tous les poètes ont marché dans les traces de Charles Simic en s’appropriant sa technique d’écriture. écrire est un travail comme un autre qui a ses gestes, ses méthodes et ses petits tours de main. On écrit « à la manière de » comme on suit les traces d’un maître d’apprentissage, avant de s’en libérer et de tracer sa propre voie.
La diversité s’exprime dans les projets professionnels de chacun. Les outils parlent des métiers qu’on rêve de faire un jour dans un pays qu’on commence tout juste à découvrir. Des choses étranges et extraordinaires qui servent à compter, communiquer, cuisiner, soigner, échanger.
Une collection d’alphabets témoigne des origines et des parcours des poètes. Des chemins variés les ont menés jusqu’à ce recueil de poèmes où chacun a trouvé sa place et où tous s’expriment dans une langue qui leur est désormais commune. Pourvu que la suite du chemin les conduise à réaliser leur rêve.