Le quotidien d'un voleur
La note de Serge Volkoff
Un amour de pickpocket
Disons d’abord, simplement, que c’est un chouette petit film. Rythmé, original, facétieux, bien fourni en rebondissements, bien joué et très réussi techniquement, il embarque le spectateur dans une complicité sans honte avec le « serveur-voleur », la même complicité friponne que celle qu’on éprouve en lisant les aventures d’Arsène Lupin, Robin des Bois ou Dortmunder.
Et puis, quoi de mieux qu’un film muet pour centrer l’attention sur les « mouvements » : les déplacements prompts et attentifs entre extérieur et intérieur du restaurant, entre vestiaire, cuisine et salle ; les gestes professionnels de l’accueil, des préparatifs culinaires, du service à table avec, comme dans tout métier, la dextérité que cela implique afin d’atteindre un résultat de qualité avec l’efficience voulue[1] ; à quoi s’ajoutent les gestuelles, au moins aussi subtiles, visant à la soustraction des bijoux, leur adjonction dans les plats, ou encore l’escamotage des billets de banque dans une tenue de cuistot...
Ce rapprochement, et même ce mélange, entre deux catégories de gestes, ceux de la restauration et ceux des larcins, contient un brin de provocation : si voler n’est pas moral, peut-on parler d’un geste de voleur comme « professionnel »[2] ? Vaste question, et ce n’est pas celle du film. D’ailleurs ce serveur agit par amour, ne s’enrichit pas, et perd même de l’argent. En tout cas, force reste à la loi : le dernier geste professionnel du film a été de lui passer les menottes.
[1] Chassaing, K., Les " gestuelles " à l'épreuve de l'organisation du travail : du contexte de l'industrie automobile à celui du génie civil. Le travail humain, Presses Universitaires de France, 2010, 73 (2), pp.163-192. ⟨hal-00981577⟩
[2] E.Sutherland, D.Cressey, Profession : voleur. In Principes de criminologie, éd. Cujas, https://ledroitcriminel.fr/le_phenomene_criminel/les_agissements_criminels/profession_voleur.htm